Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
nadia khouri-dagher, reporter
2 juillet 2006

PREAMBULE

Je suis née Arabe. Je suis Française aujourd’hui. Nous sommes des millions, émigrants, enfants d'émigrants, venus d'Algérie, du Maroc, du Vietnam, de Pologne, d'Italie, ou du Mali, à vivre ainsi, en France, notre double identité, notre double appartenance. Moi je viens du Liban.

Comment devient-on Français ? L'intégration, ce mot tellement à la mode aujourd'hui, qui pose tellement problème aussi, comment se vit-elle, de l'intérieur ? Comment apprend-on à manger français, à parler français, à chanter français, à râler comme les Français ? A se fondre à la société française :  à s'intégrer ?

Comment vit-on le déracinement, l'exil, le rapport à son pays natal, au pays de ses parents, à la culture dont on est issu et que, de plus en plus, nous, enfants d'émigrants, revendiquons aujourd'hui en France, et voulons vivre pleinement, comme la nôtre également ?

C'est ce parcours, de l'intérieur, que j'ai tenté de retracer ici. Ce livre n'est pas un livre de combat :  France contre Là-bas. Orient contre Occident. Nord contre Sud. Pour savoir qui vaincra. Ce livre est un livre de rencontre. Non pas de réconciliation, car jamais nous n'avons été séparés, depuis quelques milliers d'années que les Phéniciens, mes ancêtres, qui les premiers naviguèrent et commercèrent en Méditerranée, nous ont fait communiquer, échanger nos produits, nos idées, nos savoirs, nos hommes, nos femmes, et nous ont fait migrer, aussi.

L'Empire romain nous fit, il y a quelque deux mille ans, parler la même langue, porter les mêmes toges, les mêmes sandales, et nos belles à Massilia Byblos Carthage ou Tipasa portaient leurs coiffures à la mode de Rome :  mondialisation avant la lettre, nous enseigne Braudel[1]. Aujourd'hui cette même mondialisation nous fait tous, en Méditerranée, parler anglais quand nous sommes éduqués, porter des costumes-cravate ou des jeans, et aller à la plage en été :  c'est la modernité.


Contre le prétendu clash des civilisations qui plaît tant aujourd'hui, contre le East is East and West is West de Kipling, contre le péril immigré brandi par plusieurs courants politiques en Europe aujourd'hui, ce livre veut avant tout témoigner, à la suite de géants comme Fernand Braudel ou Germaine Tillion, que Nord et Sud de la Méditerranée, Ouest et Est de notre mer commune, mare nostrum, n'appartiennent pas à deux blocs de civilisations opposées.

"Tous parents, tous différents" :  tel était le titre d'une exposition au Musée de l'Homme, il y a quelques années, sur la génétique, qui expliquait ce que bien des gens de nos jours continuent d'ignorer :  que nous sommes tous frères. Cela est démontré scientifiquement. Par nos ADN. En clair :  si deux humains, mâle et femelle, de deux points au hasard du globe, peuvent s'accoupler – et l'Histoire montre qu'ils le firent souvent – c'est qu'ils sont de la même espèce. De la même race :  la race humaine. Il n'y en a pas d'autres, scientifiquement parlant.

[1] Fernand Braudel, Les mémoires de la Méditerranée, Editions de Fallois, 1998


Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité